Séance thématique

"Mécanismes psycho-neuro-biologiques des effets placebo-nocebo. Intérêts et limites en thérapeutique"

Cette séance aura lieu en Salle des Actes, Faculté de Pharmacie de Paris, 4 av. de l'Observatoire - Paris 6e, à 14h.

Youtube : https://youtube.com/live/FonDbOwtdiM?feature=share
INTRODUCTION par Michel HAMON

EXPOSÉS

"The placebo effect: mechanisms and clinical implications", par Fabrizio BENEDETTI

"Quelle efficacité de l'effet placebo dans les traitements à visée antalgique ?", par Didier BOUHASSIRA

"Le cerveau bayésien : une nouvelle lecture de l'Effet placebo", par Stéphane MOUCHABAC

"Effet placebo et maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson)", par Louise-Laure MARIANI

"Aspects éthiques de l'utilisation de l'effet placebo en médecine", par François CHAST


« Mécanismes psycho-neuro-biologiques des effets placebo/nocebo - Intérêts et limites en thérapeutiques »

Mercredi 27 septembre 2023



L’effet placebo, c’est le fait d’observer une amélioration d’un symptôme chez des patients dont le traitement ne comporte pas de principe actif par rapport à un groupe qui ne reçoit aucun traitement. Il est systématiquement présent dès lors qu’il y a traitement et vient donc se superposer à (interférer avec) l’effet produit par l’agent pharmacologiquement actif administré.

Mais cette superposition peut aussi entrainer une diminution de l’efficacité de l’agent actif, voire l’apparition de symptômes nouveaux, lorsque le simple fait de traiter induit au contraire un effet nocebo.Les conditions environnementales du traitement, l’état psychobiologique du patient, la qualité de la relation patient/soignant… sont des éléments déterminants dans ces effets placebo/nocebo. De ce fait, leur intensité peut être extrêmement variable d’un patient à un autre, et d’un moment donné à un autre chez un même patient. La réalité de ces phénomènes est telle qu’il est absolument nécessaire d’inclure un ‘groupe placebo’ en comparaison du groupe traité avec l’agent pharmacologiquement actif pour véritablement démontrer l’efficacité clinique intrinsèque de l’agent en question.

Au cours des dernières années, diverses approches, en particulier la neuro-imagerie fonctionnelle, ont permis des avancées majeures dans l’élucidation des mécanismes neuro-psycho-biologiques centraux qui sous-tendent les effets placebo/nocebo.

La session dédiée vise à faire le point sur les nombreuses questions liées à l’implication de l’effet placebo/nocebo dans les traitements des douleurs, des maladies neurodégénératives, de certaines désordres psychiatriques pour lesquels il est
particulièrement bien documenté.

Introduction de la séance par Michel HAMON, Membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

1) The placebo effect: mechanisms and clinical implications »

Fabrizio BENEDETTI, Professeur de Physiologie, Département de Neurosciences, Université de Turin, Italie

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Placebo responses represent one of the most important confounding variables in the design and interpretation of clinical trials, thus their understanding is today a priority in biomedical research. First and foremost, "placebo response" is different from "placebo effect". Whereas the former includes any factor involved in the clinical improvement, such as natural history, regression to the mean and psychological factors, the latter only refers to psychological factors, such as patients' expectations, thus paralleling the words "drug response" (global response to a drug) and "drug effect" (specific action of the drug). Here I will discuss only the placebo effect, whereby several psychobiological mechanisms have been uncovered. First, patients’ expectations have been found to be the main mediators of placebo effects, thus their assessment should be the rule in any clinical trial; indeed, when a treatment is administered without the patient’s expectation (hidden administration), the treatment is less effective. Second, previous exposure to active treatments may lead to substantial placebo effects through conditioning mechanisms, thus the history of pre-trial pharmacological and non-pharmacological treatments should be assessed very carefully. The understanding of these two mechanisms, expectation and conditioning, suggests that this new scientific knowledge may have profound implications for clinical trials and medical practice.


Quelle efficacité de l’effet placebo dans les traitements à visée antalgique ? »
Didier BOUHASSIRA, Neurologue, Spécialiste de la Douleur, Directeur de l’UMR Inserm U987/UVSQ : Physiopathologie et
pharmacologie clinique de la douleur, GH Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt.

Diapositives présentées

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L'effet placebo est un phénomène complexe qui a fait l'objet de très nombreux travaux dans le domaine de la douleur, car il peut avoir un impact significatif sur les résultats des essais cliniques portant sur les analgésiques.

Dans cette intervention, nous reviendrons sur la définition de l'effet placebo et sur la manière dont l'étude de ses mécanismes a connu un fort développement depuis la Seconde Guerre mondiale, avec, en particulier, un impact considérable sur la formalisation de la méthodologie des essais cliniques. Au fil des décennies, la recherche sur l'effet placebo a révélé son importance dans la médecine moderne. Elle a montré que les attentes et les croyances des patients, ainsi que les interactions avec les professionnels de la santé, peuvent influencer considérablement l'efficacité perçue d'un traitement. Nous résumerons les travaux des études les plus récentes qui ont permis de montrer l'importance de l'effet placebo en termes d'amplitude, quel que soit le traitement envisagé (pharmacologique ou non), et d'identifier ses différentes composantes. Enfin, nous discuterons des différents protocoles et approches méthodologiques utilisables pour analyser et moduler l'effet placebo dans le domaine de la recherche clinique, qu'elle soit expérimentale ou non. Il est essentiel de comprendre ces mécanismes pour concevoir des essais cliniques rigoureux et obtenir des résultats fiables, tout en explorant des moyens d'utiliser le placebo de manière éthique.



Le cerveau bayésien : une nouvelle lecture de l’Effet placebo »

Stéphane MOUCHABAC, APHP, Service de Psychiatrie, GH Saint-Antoine et Institut du Cerveau, Sorbonne Université, Paris

Diapositives présentées

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Depuis la publication de l'article fondateur de Beecher en 1955 intitulé "The Power of the Placebo," le débat sur l'effet placebo persiste : s'agit-il d'une réelle influence du cerveau sur le corps ou plutôt d'illusions et d'interprétations de phénomènes marginaux ? Depuis lors, de nombreuses théories ont tenté de fournir des explications "rationnelles" à cet effet, telles que la libération d'endorphines ou d'autres mécanismes physiologiques. Cependant, ces explications ne sont pas toujours satisfaisantes, et elles ne prennent pas nécessairement en compte le rôle fondamental des croyances . L'idée sous-jacente est que le cerveau humain fonctionne comme un modèle bayésien, ce qui signifie qu'il est en constante évolution pour mettre à jour ses croyances en fonction des nouvelles informations qu'il reçoit. Dans le contexte de l'effet placebo, cela implique que les croyances et les attentes des individus jouent un rôle central dans la façon dont ils perçoivent leur propre réalité. En d'autres termes, si un patient s'attend à ce qu'un traitement ait un effet positif, son cerveau est plus susceptible de créer une réponse positive, même en l'absence de traitement actif. Les informations sensorielles (somatosensorielles dans ce contexte) viennent ensuite confirmer ou infirmer ces prédictions, ce qui influence à son tour nos croyances préexistantes. Dans cette communication, nous explorerons donc le cadre théorique du cerveau prédictif, qui est un modèle conceptuel décrivant comment le cerveau traite et intègre l'information. Nous examinerons comment ce modèle peut éclairer notre compréhension de l'effet placebo, en mettant en évidence le rôle des croyances et des attentes dans la modulation de la perception et des réponses corporelles. En somme, nous chercherons à mieux comprendre comment le cerveau, en fonctionnant comme un cerveau bayésien, contribue à l'effet placebo et comment cela peut influencer nos perceptions et notre expérience de la santé et du bien-être.


Effet placebo et maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson) »

Louise-Laure MARIANI, MCU-PH, Département de Neurologie, GHU Pitié-Salpêtrière, Paris


La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative fréquente et sévère, comprenant des symptômes neurologiques affectant le système moteur, mais également de nombreux et divers symptômes non moteurs. Les effets indésirables liés aux prises de traitements antiparkinsoniens, pouvant être moteurs (dyskinésies induites par la levodopa) et neuropsychiatriques (troubles des conduites impulsives liés aux agonistes dopaminergiques), sont également fréquents et inhérents à l’évolution de la maladie. Que ce soit dans le contexte du soin courant ou de la recherche clinique, l’expression de ces multiples symptômes, moteurs comme non moteur, peut être influencée par les effets placebo, lessebo ou nocebo, impactant le vécu de la maladie chez les patients parkinsoniens, ainsi que les résultats des essais cliniques explorant denouveaux traitements innovants.

Dans cette présentation, nous verrons que, chez les patients parkinsoniens, ces effets placebo peuvent avoir une amplitude cliniquement significative, parfois similaire aux traitements médicamenteux actifs. L’intensité de l’effet placebo est prédite notamment par des scores UPDRS moteurs basaux élevés ou l’existence de fluctuations motrices. Les substrats biologiques sous-jacents impliquent la modulation de libération de dopamine au niveau striatal à l’origine d’une modification de l’activité neuronale au sein des ganglions de la base et du thalamus, également influencée par des variants génétiques. L’opportunité de l’utilisation de l’effet placebo en pratique clinique est actuellement insuffisamment exploitée alors qu’elle pourrait apporter un bénéfice à la qualité de vie des patients.

"Aspects éthiques de l’utilisation de l’effet placebo en médecine".

François CHAST, Président Honoraire de l’Académie nationale de Pharmacie, Hôpital universitaire Necker-Enfants malades,Paris.

Diapositives présentées

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La difficulté de l’utilisation de l'effet placebo en médecine repose sur l’emploi d’une substance dépourvue d’effet pharmacologique à l’insu du patient. On peut considérer qu’il s’agit là d’une tromperie, ce qui est en contradiction avec les principes de l’éthique médicale qui reposent sur un pilier majeur: le consentement éclairé. Le Code de Nuremberg (1947) indique quele malade doit (…) être libre de décider, sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d’autres formes de contraintes ou de coercition. La Déclaration d’Helsinki (1963) et son texte dérivé, le Code international d’éthique médicale défini par l’Association médicale mondiale (2006), en particulier son article 15 précise que le médecin doit respecter le droit du patient à être informé à chaque étape du protocole de soin et doit obtenir le consentement volontaire et éclairé du patient avant tout acte médical, en s’assurant que celui-ci reçoive et comprenne les informations dont il a besoin pour prendre une décision sur le soin proposé en toute indépendance et en toute connaissance de causei. Or, la tromperie intentionnelle par placebo, est très répandue. Aux États-Unis, 55 % des internistes et des rhumatologues utilisent sciemment un placeboii ; Au Royaume Uni, 97 % des médecins admettent utiliser un placebo et 77 % le font au moins une fois par semaineiii. En France, une enquête réalisée en milieu hospitalier montre que seulement 58 % des placebos sont vraiment prescrits par un médecin et que l’information du patient lors de l’utilisation d’un placebo n’est « transparente » que dans 5% des casiv. Pourtant, aux termes de l’article 35 du code de déontologie médicale (article R.4127-35 du CSP) : le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. De plus, aux termes de l'article 39 du même code (article R.4127-39 du CSP) : " Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé ". Il nous paraît possible de proposer une véritable révolution quant à l'utilisation éthique des placebos. En rejetant le principe de tromperie afin de respecter l'autonomie du patient et de préserver son consentement éclairé. Ainsi, une prise de conscience médicale en matière de prescription, une remise en cause de la commercialisation dans le circuit pharmaceutique de médicaments ou procédés dépourvus de toute activité mais bénéficiant d’une publicité mensongère et enfin une évolution du Code de déontologie incitant à l’utilisation de placebos « honnêtes » (ou « ouverts » : open-label placebo) librement consentis, sont des objectifs raisonnables renforçant le respect du patient. De nombreux travaux tendent à prouver que cette approche n’obérerait en rien le succès de l’effet placebo en médecinevi. Nous proposons une réflexion à différents niveaux :

  • l’emploi d’un placebo

o en médecine expérimentale (lors des essais cliniques),
o en médecine clinique (en pratique libérale ou hospitalière),

  • la mise sur le marché de médicaments qui dupent le consommateur dans la mesure où leur l’emploi n’est pas fondé sur des preuves.


Conclusion générale

Clôture par Bruno BONNEMAIN