3 questions à Michel Hamon

Michel Hamon,
Professeur honoraire de Neuropharmacologie
Université Pierre et Marie Curie (UPMC) - Paris VI

 

L’O : Quels mécanismes biologiques sous-tendent les effets placebo/nocebo ?

Si l’on se souvient que « placebo » en latin signifie « je plairai, je ferai du bien » et au contraire, « nocebo », « je nuirai, je ferai du mal », on peut s’attendre à une implication de circuits cérébraux concernés respectivement par les sensations positives dans un cas, et négatives dans l’autre, survenant, « comme par magie », en réponse à l’administration d’un composé pourtant dénué de toute activité pharmacologique : le « placebo ». De fait, les développements spectaculaires des techniques de neuro-imagerie ont permis des investigations non invasives de l’activité cérébrale qui en ont apporté la démonstration. Ainsi, l’IRM fonctionnelle et la tomographie d’émission de positons (TEP) ont clairement mis en évidence une libération accrue de dopamine dans le striatum chez des patients parkinsoniens présentant une réduction de leurs symptômes en réponse à l’administration d’un placebo à la place de leur traitement pharmacologique habituel (L-dopa). Outre la dopamine, les opioïdes et les cannabinoïdes endogènes sont également impliqués dans diverses aires cérébrales, en particulier le circuit méso-cortico-limbique de la récompense (« reward system »), comme le montre la capacité des antagonistes de ces neuromédiateurs à supprimer les effets antalgiques de placebos chez des patients douloureux. A l’inverse, il semble possible d’associer aux effets nocebo une réduction de l’activité de ces neuromédiateurs et une activation concomitante de systèmes opposants (anti-opioïdes comme le CCK-8).


L’O : Y-a-t-il une place pour les placebos en thérapeutique ?


Malgré les données attestant la réalité des effets biologiques induits par l’administration de placebos, ‘inertes’ a priori par définition, il n’y a pas de réponse simple à cette question. En effet, tous les patients ne répondent pas nécessairement à l’administration d’un placebo, et cette réponse, lorsqu’elle existe, peut varier en fonction du mode d’administration, de l’âge, du genre, du tempérament du patient, de la période de l’année et de divers éléments contextuels psycho-sociaux qui ne sont que rarement maîtrisés. En d’autres termes, à la différence d’un traitement avec un médicament dont l’AMM « garantit » l’efficacité chez le plus grand nombre de patients à qui il est prescrit, l’effet bénéfique du placebo reste aléatoire. Néanmoins, l’un des paramètres clés reste la qualité des relations entre le prescripteur et le patient. Plus la communication avec le prescripteur sera transparente, confiante et empathique, plus le patient aura des chances de tirer bénéfice d’un placebo. Le contraire se produit également lorsque ces relations sont ‘froides’, ‘distantes’, au point d’entrainer un effet nocebo susceptible même de réduire l’efficacité thérapeutique du médicament administré.


L’O : Comment optimiser l’utilisation des placebos en thérapeutique ?

Chez les patients répondeurs, des protocoles alternant la prise de médicaments actifs et de placebos, dans une séquence bien définie (et éthiquement acceptable), ont déjà fait la preuve de leur intérêt pour réduire la dose de médicament (et ses effets adverses) tout en maintenant son bénéfice thérapeutique. Un premier objectif des recherches actuelles est de mieux caractériser les phénotypes bio-tempéramentaux des répondeurs, voire identifier leurs profils génétiques (polymorphismes de gènes codant des enzymes clés du métabolisme de neuromédiateurs - comme la COMT, la TPH2, la FAAH - et de leurs récepteurs - comme le récepteur μ des opioïdes) en vue de sélectionner ces patients pour « une médecine de précision » destinée à optimiser le bénéfice attendu de l’effet placebo. Un deuxième objectif serait d’accroître la proportion de répondeurs, notamment par des traitements (ocytocine intra-nasale, rTMS), sensibilisant le« reward system » à  l’action positive (attendue) du placebo. Mais, jusqu’à présent, cette piste de recherche n’a pas encore apporté de données convaincantes… Pour l’heure, les progrès les plus significatifs portent sur les conditions d’utilisation de l’effet placebo avec les résultats très positifs obtenus dans le domaine de l’analgésie avec ce que l’on appelle le « placebo ouvert », lorsque le patient douloureux est informé en confiance et en toute transparence des mécanismes par lesquels la substance placebo qu’il reçoit pourrait réduire sa souffrance. En d’autres termes, pour l’effet placebo (comme en réalité pour tout acte clinique), la relation médecin-malade doit être la plus empathique
 ossible pour atteindre un bénéfice thérapeutique optimal.


Michel Hamon,
Professeur honoraire de Neuropharmacologie
Université Pierre et Marie Curie (UPMC) - Paris VI