3 questions à Frédéric de Blay

Frédéric de Blay, Président de la Fédération française d’allergologie (Ffal)

La prise en charge des maladies allergiques

La séance académique du 5 avril 2023 fut centrée sur l’hypersensibilité médicamenteuse. Ce fut l’occasion de mettre en lumière la nécessité qu’il y aurait, alors que les maladies allergiques continuent de progresser dans notre pays, que chaque officine soit dotée en permanence d’une trousse d’urgence avec stylo injecteur d’adrénaline. Qu’en est-il plus largement des maladies allergiques et de leur prise en charge à ce jour.

Nous avons demandé à Frédéric de Blay, membre de notre Académie, Président de la Fédération française d’allergologie, qui a animé la séance d’avril, de nous dresser un panorama rapide.

L’O : Comment faciliter l’accès aux soins ?


Le nombre d’allergologues a diminué en raison de la pyramide des âges. A ce jour, mille allergologues exercent en France. Or, les maladies allergiques continuent d’augmenter puisque 30% des
français nés après 1980 présentent une allergie cliniquement pertinente à savoir une rhinite, une conjonctivite, un asthme, une allergie alimentaire. On anticipe d’ici 20 ans une fréquence proche de 50%. Nous devons donc essayer d’organiser la prise en charge d’une maladie extrêmement fréquente sur tout le territoire national. Et cela passe en partie par la mise en place de réseaux. En janvier 2023, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) a élaboré, avec la Fédération française d’allergologie (Ffal), qui en fut l’initiatrice en 2018, un “cadre d’orientation pour le déploiement des unités transversales d’allergologie (UTA)” et un cadre de parcours de soins du patient allergique. Une vingtaine d’UTA (centres de référence) au sein de CHU devraient être déployées et participer au maillage territorial. Ces réseaux associeront les pharmaciens et les médecins de premier recours.


L’O : Le pharmacien : quel peut être son apport dans la prise en charge ?

Qu’il s’agisse des maladies allergiques d’origines respiratoire, alimentaire ou médicamenteuse, le pharmacien a un rôle essentiel. En effet, c’est le premier professionnel de santé rencontré par le patient. Dans notre pays, un patient qui présente une rhinite allergique met sept ans avant de rencontrer un allergologue ! Pour les allergies respiratoires, il faut savoir que près de 30% des patients asthmatiques ne suivent pas les recommandations de leur médecin et près de 50% ne savent pas prendre les médicaments inhalés. L’enjeu d’éducation du patient est majeur, et le pharmacien est en 1ère ligne sachant que les médicaments antiasthmatiques font partie des médicaments les plus prescrits. Pour les allergies alimentaires, le pharmacien doit être capable d’expliquer l’utilisation de l’adrénaline ou de l’épinéphrine et par conséquent en avoir dans son officine. Ce qui n’est pas toujours le cas ! Pour les allergies médicamenteuses, outre expliquer l’utilisation des médicaments à prendre en cas d’urgence, il doit aussi savoir orienter le patient. En effet, près de 9 réactions dites allergiques aux ßlactamines sur 10 ne sont pas de véritables allergies. Il est très important que les pharmaciens connaissent les quelques signes très évocateurs d’une véritable allergie aux ß-lactamines pour orienter les patients vers l’allergologue.

L’O : Quels sont les nouveaux traitements ?


Depuis 20 ans, on assiste à l’émergence de nouveaux médicaments. La désensibilisation continue à démontrer clairement son efficacité à la fois dans la rhinite aux pollens de graminées, de bouleau, dans l’asthme et la rhinite allergique aux acariens chez l’adulte. Dans l’allergie alimentaire (arachide, lait), depuis plus de 10 ans, les patients sont traités par des inductions de tolérance progressives avec une amélioration clinique dans près de 9 cas sur 10. L’utilisation de patchs améliore aussi la qualité de vie. Dans les asthmes sévères, les biothérapies ont permis une amélioration spectaculaire de leur prise en charge. Près d’un tiers des patients sous biothérapies ne présente plus de symptomatologie asthmatique, un autre tiers présente une amélioration significative. Et leur utilisation permet d’éviter la corticothérapie per os et tous ses effets indésirables.