3 questions à Michel Arock

3 questions à Michel Arock

Quoi de neuf sur le globule rouge en 2022 ?


1. Faut-il encore faire de la recherche sur les groupes sanguins érythrocytaires ?
Le premier système de groupes sanguins, ABO, a été découvert en 1901. Trois autres ont ensuite été décrits jusqu’en 1940 : MNS, P1PK1, RH, et plus de 20 nouveaux systèmes ont été caractérisés entre les années 1940 et 2000 (LU, KEL, LE, FY, JK, etc). Depuis une dizaine d’années, on en a identifié 12 nouveaux, dont 5 depuis 2020 (CTL2, ABCC4, MAM, EMM, ABCC1). À ce jour, 43 systèmes de groupes sanguins sont donc connus. La découverte de nouveaux groupes sanguins fait évoluer nos connaissances non seulement en génétique humaine et en transfusion, mais aussi dans la compréhension de leur fonction biologique. Fait intéressant, certains groupes sanguins rares dénommés « phénotypes érythrocytaires nuls », correspondant à l’absence totale d’expression d’une protéine porteuse d’un système, ont été décrits. Si certains de ces phénotypes nuls n’ont pas d’impact clinique apparent, d’autres y sont au contraire diversement associés. Par ailleurs, la présence de certaines de ces protéines sous forme mutée peut engendrer des symptômes plus ou moins graves. Il est donc toujours utile de rechercher de nouveaux systèmes de groupes sanguins, non seulement pour accroitre nos connaissances en médecine transfusionnelle, mais aussi pour mieux comprendre leur impact en santé humaine.

2. Pourra-t-on se passer des dons de sang pour la transfusion de culots globulaires ?

Les chercheurs ont longtemps pensé qu’on pourrait substituer à la transfusion de culots globulaires celle d’un sang artificiel ou d’un transporteur d’oxygène. Hélas, la toxicité de ces molécules a conduit à abandonner quasiment toute recherche dans ce domaine. Celle-ci s’est alors tournée vers des essais de culture de globules rouges à grande échelle et différents types de cellules pouvant donner naissance in vitro à des globules rouges matures ont été évalués dans cette indication, comme des lignées transformées, des cellules souches embryonnaires, des cellules souches pluripotentes inductibles ou des cellules souches hématopoïétiques. Ce sont finalement ces dernières cellules qui permettent, lorsque les conditions de culture sont optimisées et industrialisées, d’offrir une source d’approvisionnement complémentaire au don de sang pour la transfusion. Il convient d’ailleurs de souligner que c’est une « start-up » française, Erypharm, qui est aujourd’hui à la pointe dans ce domaine. L’avenir nous dira jusqu’à quel point ces procédés encore très onéreux et complexes permettront de substituer à la transfusion érythrocytaire traditionnelle celle de globules rouges de culture.

3. Thérapie génique des hémoglobinopathies : fiction ou réalité imminente ?

La drépanocytose et la β-thalassémie, deux hémoglobinopathies de mécanisme différent, sont des maladies monogéniques héréditaires extrêmement répandues qui se traduisent toutes deux par une érythropoïèse inefficace et une anémie hémolytique. De plus, les patients drépanocytaires présentent des crises vaso-occlusives, pouvant aboutir à une atteinte multi- viscérale avec une mortalité précoce. Les thérapies classiquement utilisées dans ces deux pathologies (transfusions itératives de culots globulaires, chélation du fer et, pour la drépanocytose, l’hydroxyurée) ne sont pas curatives. Le seul traitement curatif disponible aujourd’hui est la greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) géno-identiques avec un donneur HLA histocompatible. Malheureusement, moins de 20 % des patients y sont éligibles, ce qui empêche nombre de malades de bénéficier de ce traitement qui, de toutes façons, s’accompagne d’une morbi-mortalité importante. Une voie thérapeutique alternative et prometteuse car potentiellement curative consiste à transplanter des CSH autologues génétiquement modifiées (« corrigées »). Plusieurs essais ont été effectués récemment. Les technologies utilisées pour la correction génétique, transfection ou édition génique, ont d’ores et déjà permis d’atteindre l’indépendance transfusionnelle chez certains sujets, avec un grand espoir de guérison pour ces pathologies lourdes, espoir qu’il faut malheureusement tempérer du fait de leur coût élevé, en particulier pour ces deux maladies essentiellement répandues dans des pays en voie de développement.